Résistons au front des nationalistes jacobins opposés aux Régions

Publié le par an erminig

Christian Guyonvarc'h 01La France de 2012 est-elle à ce point recuite de nationalisme qu’une grande partie de sa classe politique croie devoir, comme aux heures les plus sombres de l’histoire de ce pays, confondre dans une même conspiration l’ennemi extérieur de la mondialisation et l’ennemi intérieur  que constituent, à ses yeux, les Régions ? Au nom de l’intérêt supérieur de la patrie, va-t-on nous rejouer Valmy, faire tomber les têtes girondines et conduire de nouvelles Guerres de Vendée?
 
Le propos paraitrait-il exagéré ? Voyons-y.
 
Au jeu des saillies quotidiennes censées animer l’Elysée Circus 2012 le candidat-président a pris pour tête de turc les Régions dans une interview publiée le 2 avril dans L’Est Républicain : « Les régions ont augmenté leurs effectifs de 175% en dix ans sans avoir acquis de compétences nouvelles ».
 
Nicolas Sarkozy ment effrontément. Il ne peut ignorer que depuis dix ans, l’Etat a transféré aux Régions, sans aucune négociation préalable avec elles sur le contenu et les modalités de ces transferts, les responsabilités suivantes : les personnels techniques des lycées, le financement des formations sanitaires et sociales (infirmiers, aides-soignants...), les aéroports d’intérêt régional et leurs personnels techniques, les ports de commerce d’intérêt régional (hors Grands Ports) et leurs personnels techniques, les canaux et leurs personnels techniques, le service de l’inventaire et du patrimoine et ses personnels. Et pour gérer ces nouvelles catégories de personnels qui ont mécaniquement presque décuplé les effectifs des Régions, il a bien fallu étoffer les directions en charge des ressources humaines.
 
Nicolas Sarkozy ment pour tromper, il ment pour gagner des voix, évidemment, et il choisit pour ce faire de cibler les Régions dont le budget global ne représente pourtant que 3% du budget public de la France.
 
Il rejoint en cela la candidate de l’extrême droite qui, fidèle à l’héritage de son père, s’oppose à toute forme de reconnaissance juridique des langues régionales. Oui, on peut être natif de Bretagne et combattre la présence du breton dans l’espace public : il suffit de se mettre au service d’une vision nationaliste et jacobine de la France. Après tout, le général Franco, qui fit mettre au cachot les militants du pluralisme linguistique, était né galicien… Mais la fille Le Pen fait pire que le père puisqu’elle a inscrit dans son programme présidentiel l’abrogation pure et simple des collectivités régionales. On peut d’ailleurs regretter qu’aucun des médias qui couvrent la campagne présidentielle n’ait eu la curiosité de la questionner sur les motivations d’un tel autodafé.
 
Il est symptomatique de devoir constater que les tirs de barrage contre les Régions et ce qu’elles représentent ne viennent pas tous de la droite et de l’extrême droite. Le candidat du Front de Gauche, Jean-Luc Mélenchon, n’a jamais caché son hostilité aux identités régionales en général et aux langues autres que le français qui s’y pratiquent en particulier. Il s’était déjà illustré au sein du gouvernement Jospin quand, ministre délégué à l’enseignement professionnel, il avait lancé des diatribes dans le quotidien Libération contre le ministre de l’éducation nationale, Jack Lang, qui avait entrepris de négocier l’intégration des écoles laïques associatives Diwan dans un service rénové de l’enseignement public. Il a, plus récemment, confirmé cette hostilité farouche en qualifiant Diwan de « secte » lors d’un débat au Sénat, en 2008, qui portait sur la reconnaissance des langues régionales comme élément constitutif du patrimoine de la France.
 
Il vient de confirmer ce jacobinisme ultra en s’en prenant de façon outrancière à la proposition, pourtant bien timide, de François Hollande de confier aux conseils régionaux un pouvoir règlementaire dans certaines domaines de leur compétence. Feignant d’avoir mal compris le propos du candidat socialiste, Jean-Luc Mélenchon n’a pas hésité à agiter le chiffon rouge d’un démantèlement du code du travail. Nous ne savions pas que les Régions exerçaient une quelconque compétence en la matière…
 
Pourtant, nous ne sommes pas condamnés à subir, pour après jour, une démagogie politicienne qui se nourrit de la marginalisation du fait régional en France, alors même que toutes les enquêtes d’opinion démontrent une attente de plus de pouvoir régional chez une majorité des Français. J’en appelle aux Français raisonnables, je veux dire aux Français dotés de raison pour déjouer l’entreprise de démolition des démocraties régionales naissantes à laquelle se livrent ces trois candidats et quelques autres aussi, plus discrets. Qu’il ne soit pas dit que l’élection présidentielle de 2012 en France nous aura ramenés au millénaire passé.
 
Brest, le 3 avril 2012
 
Christian GUYONVARC’H
Conseiller régional de Bretagne / kuzulier-rannvro Breizh
(groupe Union démocratique bretonne, autonomie et écologie)

Publié dans Elus UDB

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